Les policiers privilégiaient toujours hier la
piste criminelle après l’incendie de l’abbaye Saint-Vincent samedi. Se pose
aussi la question de la pérennité du projet immobilier tel qu’il était prévu.
La mairie veut réagir vite.
La piste criminelle envisagée
Un effroyable incendie s'est déclaré samedi vers 16 h 45 au niveau de l'abbaye
Saint-Vincent à Laon (l'union de dimanche). Tous les témoins racontent la même
histoire. Ils ont vu de la fumée et d'un seul coup la toiture s'est embrasée,
comme si le feu couvait depuis longtemps ou qu'on avait utilisé un
accélérateur, style hydrocarbure.
Un homme qui se trouvait au niveau des creutes à Mons-en-Laonnois a été saisi
par les flammes à plusieurs kilomètres de distance.
Non seulement, le feu a pris rapidement, mais il n'a fait qu'une bouchée de la
charpente, rasée en l'espace d'une demi-heure.
A leur arrivée, des policiers auraient pu entrer dans le logis abbatial avant
d'être contraints de rebrousser chemin tant l'embrasement était vif.
Ils auraient eu le temps de voir au premier étage, deux tas de bois,
représentant deux départs de feu potentiels. Du reste, ici, il n'y a pas de
courant qui pourrait être à l'origine d'un court-circuit.
La personne qui a appelé les pompiers aurait vu trois jeunes sortir de l'abbaye
alors que de la fumée s'échappait déjà du monument.
En suivant le chemin qui fait le tour du site, les fonctionnaires auraient
relevé deux endroits où le grillage a été coupé, passages possibles des intrus.
Ils auraient aussi saisi des bombes de peinture et noté quelques tags.
Dans le quartier, on confirme que le site est souvent visité, par des jeunes
notamment.
Un homme, qui a un jardin tout près explique qu'il aurait justement entendu des
jeunes s'amuser bruyamment au niveau de l'abbaye, samedi vers 16 heures.
Sa voisine parle de deux adolescents à vélo qu'elle aurait vu repartir peu
avant que l'incendie ne se déclare. Le lien ne doit pas être fait cependant
automatiquement entre ces présences et le sinistre.
A ce sujet, le témoignage d'un autre habitant, qui demeure dans un immeuble en
face, laisse perplexe. Il affirme qu'une quinzaine de jours avant l'incendie,
il aurait remarqué avec sa paire de jumelles que des ardoises avaient disparu
de la toiture, à l'arrière, emportées par des voleurs selon lui.
Peu avant le départ du feu, il aurait encore été surpris par un trou dans la
toiture, « comme pour créer un appel d'air », glisse-t-il.
Yann Le Blévec
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Vendue 650.000 euros
En attendant, les commentaires allaient bon train. Certains ont dénoncé de
nouveau que rien n'ait été fait pour cet endroit depuis l'abandon par l'armée
en 1993. D'autres se sont étonnés de l'absence de gardiennage.
La ville a évidemment une réponse toute trouvée. Elle n'a jamais été
propriétaire du site.
C'est l'État qui a vendu les sept hectares à un investisseur privé à la fin de
l'année 2006.
Le site a alors été cédé pour la somme relativement modique de 650.000 euros.
Le promoteur a néanmoins promis plus de 20 millions d'euros d'investissement
avec, à la clé, la création d'une quinzaine d'emplois.
Livraison en 2010
Sont prévus un immeuble d'une quarantaine de logements, des appartements de
standing dans le logis abbatial et un hôtel ainsi qu'une vingtaine de maisons
individuelles.
Le tout devait être livré à l'horizon 2010.
L'incendie va-t-il tout remettre en cause et conforter ceux qui voyaient ici
une destination plus culturelle ?
Le maire, Antoine Lefèvre, a indiqué qu'une réunion aurait lieu, dès ce lundi,
avec le propriétaire pour réagir le plus vite possible.
Un diagnostic est évidemment nécessaire pour mesurer l'ampleur des dégâts et
voir notamment si le logis abbatial peut toujours abriter des logements et un
hôtel. Il restera ensuite la question du nouveau coût, sachant que le
propriétaire est, a priori, assuré contre ce type de sinistre.
En attendant, il semblerait que ledit propriétaire s'apprêtait pour le moment à
déposer la demande de permis de lotir.
Cette demande pourra-t-elle être instruite parallèlement aux expertises qui
risquent d'être menées au niveau du logis abbatial ?
Pour l'heure, l'enquête des policiers se poursuit, sachant que la piste
criminelle est privilégiée (lire par ailleurs).
Du côté de la ville, on rappelait également, avec un brin d'amertume, qu'une
réserve incendie devait être réalisée au niveau de Saint-Vincent d'ici la fin
de l'année. Une réserve qui, de toute façon, n'aurait rien changé, tant le feu
est allé vite…
Yann Le Blévec
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